Traumatismes : quand la moelle épinière est touchée

mars 17th, 2014

Traumatismes : quand la moelle épinière est touchée

 – le 14/03/2014
INFOGRAPHIE- Faute de centres experts identifiés, le traitement post-opératoire de ces patients et leur suivi sont parfois difficiles.

Chute d’un échafaudage, accident de la route, plongeon en eau peu profonde… Chaque année, environ mille personnes sont victimes d’un traumatisme de la moelle épinière. «Immédiatement après un traumatisme de la moelle épinière (colonne vertébrale), la prise en charge initiale est capitale, car il faut tout faire pour éviter, entre autres, une chute de la tension artérielle et un manque d’oxygène, connus comme étant des facteurs aggravant les lésions initiales, explique le Pr Nozar Aghakhani (service de neurochirurgie et centre de référence des syringomyélies à l’hôpital Bicêtre, conseiller scientifique à l’Institut pour la recherche sur la moelle épinière ou IRME). Tout aussi essentielle: la levée de la compression de la moelle et la stabilisation du rachis par le chirurgien pour éviter des lésions secondaires venant se surajouter au traumatisme initial et pour permettre une mobilisation et, donc, une rééducation précoce. Heureusement, grâce à l’intervention rapide des Samu qui connaissent bien les centres ayant les compétences nécessaires pour s’occuper de ces traumatisés, la plupart sont correctement et rapidement pris en charge dans cette phase initiale.»

C’est donc plutôt dans les suites opératoires que les disparités se font sentir. «Un traumatisme médullaire ne se limite pas à un simple problème de marche, rappelle le Pr Brigitte Perrouin-Verbe (service de médecine physique et rééducation neurologique du CHU de Nantes et conseiller scientifique à l’IRME). Selon le niveau de la lésion, peuvent y être associés des troubles sphinctériens, sexuels, une atteinte des membres supérieurs, des difficultés respiratoires, des spasmes de certains muscles et, à terme, des escarres, etc. Or ces troubles peuvent favoriser des complications comme, par exemple, une atteinte rénale si la vessie n’est pas correctement vidée ou une infection pulmonaire grave si les voies respiratoires ne sont pas régulièrement désencombrées. Il a ainsi été montré que les personnes traumatisées médullaires qui n’étaient pas prises en charge dans une unité pointue, avec une expertise multidisciplinaire des différents organes touchés, avaient une mortalité augmentée de 30 % et des chances moindres de réinsertion. Il y a donc urgence à reconnaître ces centres experts référents.»

Rééducation

Dans les suites immédiates de l’intervention, il est souvent trop tôt pour estimer quelles sont les chances de récupération. «Les fibres motrices étant les premières exposées en cas de traumatisme de la moelle, c’est surtout la reprise partielle d’une motricité qui est de bon augure. C’est le cas lorsque la lésion de la moelle a été incomplète (environ 45 % des traumas médullaires): une récupération est alors possible dans les semaines ou dans les mois qui suivent, sous réserve d’une rééducation avec l’aide des kinésithérapeutes, voire des robots de marche, etc.», précise le Pr Olivier Rémy-Néris (médecine physique et réadaptation, CHU de Brest).

En revanche, si la lésion est complète (avec perte totale de contraction volontaire ou de la sensibilité anale, soit 55 % des cas), il n’y a pas les mêmes chances de récupération spontanée. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien à faire: il va falloir apprendre à gérer les déficiences en s’appuyant au maximum sur les compétences restantes et sur les aides techniques, qui ont bien progressé: domotique, fauteuils électriques avec commande au niveau du menton ou du front lorsque les quatre membres sont touchés, etc.

«À ce stade, la chirurgie fonctionnelle du handicap peut aussi être utile. Par exemple, si la fonction motrice de la main a disparu, mais pas celle de l’avant-bras, le chirurgien a moyen de dérouter l’insertion distale d’un muscle non paralysé pour restituer une fonction de préhension (fonction pouce-index). Et il existe plusieurs interventions chi­rur­gicales dans le même esprit, susceptibles de faciliter la nouvelle vie de la personne traumatisée médullaire. Mais comme ces interventions ne sont proposées et pratiquées que dans quelques centres experts, on en revient toujours au même problème de labelliser ces centres afin que toute personne victime d’un traumatisme médullaire passe entre leurs mains et y bénéficient d’un suivi à vie», insiste le Pr Perrouin-Verbe.

Retrouver un maximum d’autonomie, c’est aussi retrouver une vie sexuelle et améliorer les fonctions urinaires et intestinales (en tête des préoccupations des personnes paraplégiques). Différentes solutions sont ainsi proposées: sondage régulier de la vessie, régulation du transit, médicaments ou chirurgie. Quant à la fertilité, elle n’est pas affectée chez la femme, mais la grossesse et l’accouchement nécessitent une prise en charge spécifique.

En France, il y a urgence à améliorer l’accessibilité des fauteuils roulants dans les lieux de vie et, cette fois, c’est du domaine des politiques… qui méritent un carton rouge pour avoir tout juste repoussé cette échéance de 2015 à 2018 pour les commerces de proximité et même 2021 pour les écoles, les mairies et 2024 pour les grandes entreprises de transport.

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