Pourquoi les personnes âgées dorment moins bien

août 22nd, 2014

Pourquoi les personnes âgées dorment moins bien
Mots clés : sommeil, personnes âgées, séniors
– le 21/08/2014
Le sommeil haché viendrait de la perte de certains neurones d’une zone du cerveau.
Clifford Saper, professeur de neurologie et de neurosciences à la Harvard Medical School, est un homme patient. Treize années se sont écoulées entre le moment où il a présenté sa théorie de la balance veille-sommeil dans une revue de neurosciences et des preuves anatomiques de la validité de celle-ci dans la prestigieuse revue Brain.

Lorsque l’on vieillit, le sommeil devient plus léger, il est plus difficile de s’endormir et on se réveille plus tôt. Selon le Pr Saper, il existe dans notre cerveau une bascule veille-sommeil avec d’un côté la pression d’éveil, plus ou moins maintenue par l’activité, et, de l’autre, la pression de sommeil qui augmente au fil de la journée.

Lorsque cette dernière devient trop forte, on s’endort. Même dans les pires conditions. «Mais une diminution de l’activité des systèmes d’éveil est aussi nécessaire pour que, sous le poids de la pression de sommeil, la bascule passe en position “sommeil”», souligne le Pr Joëlle Adrien, neurobiologiste et directeur de recherche à l’Inserm, auteur de Mieux dormir et vaincre l’insomnie (Larousse, 2014).

Or, pour Saper et ses collègues, la baisse de la vigilance proviendrait normalement «d’un groupe de neurones situés dans une petite zone du cerveau (le noyau intermédiaire) qui contient de la galanine, un neurotransmetteur inhibiteur capable d’éteindre les cellules du cerveau impliquées dans l’éveil», explique-t-il au Figaro. Ces neurones à galanine, activés pendant que l’on dort, seraient donc les véritables «gardiens du sommeil» en endormant le système d’éveil. Mais qu’ils viennent à manquer, comme c’est le cas chez de nombreuses personnes âgées ou en cas de maladie d’Alzheimer, et la fragmentation du sommeil apparaît.

«En améliorant l’éveil le jour, on améliore le sommeil la nuit»
C’est ce que vient de montrer le Pr Saper avec son équipe du Beth Israel Deaconess Medical Centerde Boston, en examinant cette zone particulière dans le cerveau de 45 personnes décédées. Des volontaires engagés dans un groupe de 1000 personnes de plus de 65 ans ayant accepté en 2006 de donner leur cerveau à la science et de se soumettre régulièrement jusqu’à leur mort à des tests.

«C’est une belle étude», confirme le Pr Yvan Touitou, ancien président de l’Académie de pharmacie et membre de l’Académie de médecine, «mais le nombre de patients reste trop faible pour pouvoir tirer des conclusions définitives et il faudrait examiner davantage de types de neurones différents de la région.»

«Ça se tient et tout est très logique, concède le Pr Adrien, car avec l’âge, le sommeil se fragmente, il est moins profond, aussi est-ce une bonne idée de viser ces neurones impliqués dans la bascule veille-sommeil. Il faudrait maintenant détruire spécifiquement ces neurones dans des modèles animaux pour prouver la relation de cause à effet.»

Prochaine étape? «Il va falloir trouver des moyens pharmacologiques d’activer les neurones à galanine, répond le Pr Saper, mais aucun médicament de ce type n’a encore été testé chez l’homme.»

Pour l’instant, il faut se contenter de moyens indirects pour jouer sur la balance veille-sommeil. «On ne peut pas se forcer à dormir, mais il est possible de se maintenir éveillé, glisse le Pr Adrien, en étant actif, par exemple en faisant du sport, ou en s’exposant à la lumière. En améliorant l’éveil le jour, on améliore le sommeil la nuit.»

Enfin, il faudrait être sûr que la fragmentation du sommeil des patients de l’étude de Harvard ne venait pas de maladies particulières. À l’Hôpital Édouard-Herriot (CHU de Lyon), où les patients âgés bénéficient d’un enregistrement du sommeil en continu (polysomnographie), le Dr Hakki Onen, directeur médical du Centre gériatrique de médecine du sommeil, a mis en évidence la grande fréquence des syndromes d’apnée du sommeil (SAS) ou de mouvements périodiques des jambes. «Deux causes majeures de fragmentation du sommeil», explique le Dr Onen. Le SAS toucherait ainsi une personne de plus de 70 ans sur quatre à domicile et une sur deux en maison de retraite.

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