Les reines des abeilles ne cachent rien de leurs amours

novembre 23rd, 2013

Les reines des abeilles ne cachent rien de leurs amours

Un essaim d'abeilles autour de sa reine.
 

Via leurs phéromones, les reines disent aux ouvrières si elles ont été correctement fécondées.

Les reines des abeilles ne sont pas menteuses. Elles narrent leurs amours, sans fard ni pudeur, à toute la ruche. C’est la conclusion d’une équipe internationale d’entomologistes des universités d’État de Pennsylvanie et de Caroline du Nord, et de l’université de Tel Aviv (Israël).

«Les abeilles sont les insectes les mieux étudiés en terme de phéromones », explique Yves Le Conte, directeur de l’unité de recherches «Abeilles et environnement » à l‘Institut national de la recherche agronomique (Inra). Chez les reines, deux glandes principales produisent des phéromones : la glande de Dufour, dont le rôle n’est pas totalement connu, et la glande mandibulaire dont cinq des composants actifs ont déjà été identifiés. Les ouvrières lèchent la reine ou touchent ses antennes pour, ensuite, répandre ses phéromones dans toute la ruche. Ces phéromones influent sur tout le comportement social de la ruche  ; en particulier, elles inhibent la production ovarienne des ouvrières, la construction d’alvéoles royales, et l’élevage de nouvelles reines.

L’une des questions qui intrigue les entomologistes est de savoir si les reines émettent des phéromones dans le but de dominer leurs filles ouvrières, ou si elles cherchent à envoyer des signaux pertinents quant à leurs qualités de souveraines. «Deux hypothèses qui ne s’excluent pas forcément », précise Yves Le Conte.

Dans leur étude, publiée dans PlosOne , les entomologistes ont partagé des reines d’Apis mellifera en quatre groupes : deux groupes étaient inséminés avec peu ou beaucoup de sperme, deux autres avec peu ou beaucoup de liquide physiologique. Un cinquième groupe, non manipulé, servait de témoin. Après avoir extrait les phéromones émises par ces reines et les avoir présentées aux ouvrières, ils ont observé le comportement de ces dernières.

Conclusion: non seulement les reines émettent un profil phéromonal différent selon qu’elles ont ou non été fécondées, mais elles indiquent également si leurs amants ont été nombreux et de bonne qualité. Les abeilles ouvrières mises en présence de ces phéromones «ont un comportement différent. Ces différences ne sont pas toujours importantes, mais c’est néanmoins une brique à l’édifice », précise Yves Le Conte.

L’équipe de l’entomologiste français avait déjà montré, dans une étude parue en 2010 dans le Journal of invertebrate pathology(Alaux et al.), que «le Nosema ceranae, un parasite intestinal de la colonie, pouvait modifier les phéromones de la reine. Nous faisons l’hypothèse que cela peut engendrer son remplacement », explique Yves Le Conte. Car lorsqu’une reine n’est plus performante, les ouvrières en changent. Une bonne souveraine a, en un accouplement, entre dix et vingt amants qui lui permettront de constituer une «spermathèque », grâce à laquelle elle pondra des œufs tout au long de sa vie. Plus nombreux auront été les mâles, «plus la reine conservera une diversité génétique dans sa spermathèque, ce qui est bon pour la colonie », notamment en lui permettant de mieux résister aux maladies.

«Si les ouvrières sont capables de détecter les reines qui sont peu inséminées et prennent des mesures pour les remplacer, cela peut expliquer l’important turnover de reines », indique Elina L. Niño, auteur principal de l’étude. Les apiculteurs, en effet, ont tout intérêt à éviter que les reines de leurs ruches ne soient trop souvent remplacées : le temps d’élever une nouvelle reine, il peut s’écouler jusqu’à trois semaines, et c’est autant de perdu en production de miel. Cette étude est d’autant plus pertinente que les apiculteurs se plaignent actuellement d’une mortalité précoce des reines d’abeilles, sans que l’on puisse vraiment en connaître les causes.

L’étude, signalent ses auteurs, doit encore être validée avec des reines inséminées naturellement. Pour la suite, les entomologistes américains et israéliens veulent étudier les effets de pesticides, des virus et de la dénutrition sur la composition des phéromones émises. Afin de savoir si les reines sont aussi sincères sur leur santé que sur leurs amours…

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