faut-il s’interdire d’utiliser du Roundup ?

juin 20th, 2015

Jardin: faut-il s’interdire d’utiliser du Roundup ?

La ministre de l'Écologie, Ségolène Royal, veut interdire dès le 1er janvier la vente en libre service du Roundup et des pesticides utilisés par les jardiniers.

À une lointaine époque, prononcer les noms de Satan ou de Lucifer suffisait à déclencher les foudres inquisitoriales d’un certain clergé. Autre temps, autres peurs! Dans notre XXIe siècle agnostique et désenchanté, c’est la multinationale américaine Monsanto et son produit vedette, l’herbicide Roundup, qui sentent désormais le soufre, faisant craindre dans l’esprit du public, non plus la damnation éternelle, mais l’empoisonnement généralisé de la planète et de ses habitants.

Pour montrer qu’elle se préoccupe de la santé des 17 millions de Français qui s’adonnent à la pratique du jardinage, la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, s’est rendue mardi dernier dans un magasin Jardiland de la région parisienne pour retirer des rayons, devant les caméras de télévision, des flacons de Roundup et d’herbicides génériques contenant du glyphosate (la matière active du Roundup tombée dans le domaine public depuis 2000 et que Monsanto est donc loin, soit dit en passant, d’être le seul à commercialiser).

Interdiction en 2022

Depuis une quinzaine d'années, la multinationale américaine est la cible du lobby écolo. Crédit photo: John Novotny sous licence Creative commons.

Joignant la geste à la parole, la ministre a annoncé, dans la foulée, qu’un amendement à la loi sur la transition énergétique interdira «la vente en libre service du Roundup, du glyphosate, des pesticides (utilisés par les jardiniers amateurs, NDLR) dès le 1er janvier 2016». Soit deux ans avant la date initialement prévue dans le plan Écophyto qui prévoit qu’à compter de 2018, les particuliers ne pourront plus acheter de produits phytosanitaires sans avoir bénéficié des conseils d’un vendeur spécialisé, prélude à leur interdiction en 2022.

Ségolène Royal qui s’en est pris le soir même au Nutella, avant de s’excuser, va-t-elle faire de même avec le Roundup? On peut légitimement se poser la question.

100 fois moins dosé

Car, enfin, pourquoi ne s’attaquer qu’au glyphosate destiné aux jardiniers amateurs, 100 fois moins dosé que celui utilisé en agriculture (qui, lui, ne sera pas interdit, dixit le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll!) pour garantir, justement, leur sécurité? Avec le risque, bien réel pour le coup, que les premiers n’aillent, une fois leur stock épuisé, s’approvisionner chez les seconds… Comme le souligne Jacques My, directeur général de l’Union des entreprises pour la protection des jardins et espaces publics (UPJ), «les mélanges prêt-à-emploi destinés aux particuliers ne contiennent que 4,4 grammes de glyphosate par litre contre 480 g/l dans les produits de la gamme à usage professionnel».

Ensuite, l’analyse du «dossier Roundup» montre que ce produit a surtout le grand tort d’avoir été créé par… Monsanto. Et d’être, de ce fait, la cible favorite du lobby écolo, très actif dans les médias, et d’une poignée de scientifiques militants dont les études sont entachées, comme on l’a vu à maintes reprises ces dernières années, de graves biais méthodologiques ou d’erreurs d’interprétation.

Suspicion de cancérogénicité

Liseron des haies. Une plante vivace particulièrement difficile à contrôler.

Pour faire court, son impact sur l’environnement s’avère, en effet, bien moindre que celui des herbicides qu’il a remplacés, sa toxicité aiguë est à peine supérieure à celle de la bouillie bordelaise pourtant très utilisée en agriculture biologique et sa récente suspicion de cancérogénicité par le Centre international de recherches sur le cancer (Circ) reste d’autant plus à confirmer qu’elle n’intervient que 40 ans après sa mise sur le marché.

«Si l’effet cancérigène du glyphosate était massif, on s’en serait aperçu depuis longtemps» note le toxicologue Gérard Pascal, ancien directeur scientifique à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), qui fait remarquer que le rapport scientifique complet sur lequel le Circ s’est appuyé pour publier son avis du 20 mars n’a toujours pas été publié. «Pour l’instant nous n’avons qu’un simple document de 2 pages. Il faut attendre d’avoir accès aux milliers de pages d’études scientifiques pour juger de la pertinence de cet avis».

Prophéties alarmistes

Le BfR, l’institut fédéral allemand chargé de l’évaluation des risques sanitaires que l’Europe a mandaté pour réévaluer le glyphosate comme cela se fait tous les dix ans pour n’importe quelle molécule chimique, a fait savoir, il y a quelques semaines, qu’«il n’y a pas de relation significative entre une exposition au glyphosate et une augmentation du risque de lymphome non hodgkinien ou de tout autre type de cancer». A foritiori pour les jardiniers, compte-tenu, comme on l’a vu, du très faible dosage des préparations qu’ils utilisent. En dépit des prophéties alarmistes de la mouvance écolo, l’herbicide pestiféré semble donc avoir toutes les chances de bénéficier d’un nouveau bail de dix ans…

Enfin, la ministre et ceux qui la conseillent oublient d’indiquer par quoi les jardiniers, jusqu’alors très nombreux à l’utiliser, vont pouvoir remplacer le Roundup et ses avatars: eau bouillante, vinaigre blanc, lance-flammes…? Ces «solutions» farfelues, dangereuses pour l’utilisateur et les sols (je pense au vinaigre!) ou énergivores (donc pas franchement écolos), fleurissent sur Internet.

Petites mains

Plus sérieusement, des désherbants «bio» prometteurs, dont j’ai parlé dans une récente chronique, viennent de faire leur apparition sur le marché. Mais l’acide pélargonique, leur matière active, agit par contact et n’est pas systémique, autrement dit véhiculé par la sève, comme le glyphosate. Ils ne permettent donc pas de venir à bout des vivaces les plus difficiles à éliminer comme le liseron, la renoncule rampante ou le chiendent.

Ségolène Royal n’a plus qu’à convoquer une nouvelle fois les caméras pour montrer au public comment on désherbe allées, terrasses et cours dallées ou gravillonnées… à la binette. Sans se casser les reins et sans réquisitionner une escouade de petites mains pour faire le sale boulot. Mais elle a sans doute mieux à faire. Les jardiniers aussi.

Vos rendez-vous jardin

• 21 juin: 6e journée des plantes rares, château de Baillenx (Pyrénées-Atlantique).

• 21 juin: Fête des roses, Roseraie de Saverne (Bas-Rhin).

• Jusqu’au 21 juin: Exposition «Petite Fleur Folies», quai Branly, ports de Suffren et de la Bourdonnais, Paris.

• jusqu’ au 21 juin: APIdays 2015, journées nationales de l’abeille , sentinelle de l’environnement.

• Jusqu’au 28 juin: 4e manifestation «Paroles de Jardiniers», département des Yvelines.

• Jusqu’ au 28 juin: Visites guidées du Potager du roi, Versailles (Yvelines).

• Jusqu’au 30 juin: inscrivez-vous au Concours national des jardins potagers organisé par la SNHF.

• Jusqu’au 30 juin: Testez vos connaissances avec le quiz de Jardiner autrement et gagnez des cadeaux et chèques-cadeaux.

• Jusqu’au 12 août: Exposition «Œillets, tulipes anémones, les fleurs du grand Condé», château de Chantilly (Oise).

• Jusqu’au 30 août: «Roses, une histoire lyonnaise», musées Gadagne, Lyon (Rhône).

• Du 10 au 13 septembre: «Révélations, les plus étonnantes créations du règne végétal», Salon des métiers d’art et de la création, Grand Palais, Paris.

• Jusqu’au 30 septembre: participez au 3e concours photos cactées et succulentes 2015 de la SNHF.

• Jusqu’au 18 octobre: 15e Festival des jardins, «Jardins de voyageurs», Saline royale d’Arc-et-Senans (Doubs).

• Jusqu’au 1er novembre 2015: Festival internantional des jardins de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher).

Leave a Reply