des mille et une facettes du mimosa

février 5th, 2016

 des mille et une facettes du mimosa

Chaque hiver, une multitude de pompons jaune citron illumine la Côte d’Azur. Pendant tout le mois de février, festivals, excursions et défilés mettent à l’honneur cet arbuste venu de loin et qui n’en finit pas de surprendre.

Des collines de l’Estérel à la corniche des Maures, du bord de l’autoroute aux petits chemins, c’est un feu d’artifice jaune soleil qui explose en ce mois de février. La douceur exceptionnelle de l’hiver explique qu’ici, sur la «route du mimosa», entre Bormes-les-Mimosas (Var) et Grasse (Alpes-Maritimes), l’Acacia dealbata (nom botanique du mimosa de Nice) soit déjà au sommet de sa splendeur avec plusieurs semaines d’avance.

Pendant tout le mois de février, rendez-vous festifs et corsos fleuris se succèdent dans les huit communes qui jalonnent cet itinéraire de 130 kilomètres après le coup d’envoi donné le week-end dernier, à Bormes-les-Mimosas, lors de la fête des plantes Mimosalia, dont c’était la 20e édition.

Le mimosa ne s’est jamais remis du changement d’hémisphère: la plante continue à fleurir à l’époque de l’été austral

Le mimosa n’est pas une plante française, ni même européenne. Il débarque sur le littoral du Midi dans la deuxième moitié du XIXe siècle, à une époque où cette magnifique contrée commence tout juste à s’appeler la Côte d’Azur. Arrivé à Londres dans les bagages du capitaine Cook, de retour d’Australie, le mimosa part peu après en villégiature avec les aristocrates anglais installés sur la Riviera, où il trouve son bonheur. Le climat d’abord, chaud et sec l’été, doux et humide l’hiver, mais aussi le sol du maquis, acide, comme celui de la Corse, lui conviennent parfaitement. Et si nos hivers sont illuminés par ses myriades de mini-soleils, c’est uniquement parce que le mimosa ne s’est jamais remis du changement d’hémisphère: la plante continue à fleurir à l’époque de l’été austral.

Très vite, sa fleur fait la fortune de Grasse. L’absolu de mimosa -le concentré issu des floraisons- est encore aujourd’hui l’ingrédient secret utilisé par nombre de créateurs de parfums. La vente des bouquets connaît également un énorme succès, avant que le commerce international n’amène sur le marché quantité de fleurs produites «hors saison» sous d’autres cieux.

«Forcer» les bourgeons à éclore

 

Implantée sur le massif du Tanneron depuis trois générations, la forcerie Vial utilise l’eau qui s’évapore d’une vieille lessiveuse pour «forcer» les bourgeons à éclore en boules de velours. «Nous avons choisi d’ouvrir notre établissement au public pour la vente directe des bouquets, confie Gilbert Vial. Aujourd’hui, notre production est plus modeste, mais, il y a 30 ans, nous coupions à la main presque 20 tonnes de branches en deux mois. C’était très intense.» Une dizaine de mimosistes travaillent encore sur le massif du Tanneron. Le seul détail qui permet de distinguer les plantations des arbres qui poussent à l’état sauvage, ce sont les rangs bien alignés de capitons dorés.

Difficile d’imaginer corps à corps plus envoûtant avec cet arbuste solaire que dans le massif du Tanneron, où le promeneur se retrouve entièrement immergé dans une forêt de mimosas. Les branches chargées de senteurs douces se balancent au gré du vent face au golfe de la Napoule et aux îles de Lérins. Ce panorama absolument idyllique cache néanmoins un passé douloureux. Le large chemin en pente douce que l’on emprunte est, en réalité, une piste coupe-feu. Car le bois de mimosa brûle très vite et produit une fumée très dense. Ici, on se souvient encore des incendies tragiques des années 1970 et 1980. Depuis, la zone est soumise à un contrôle très strict des gardes forestiers.

«Peste végétale»

Cent kilomètres plus à l’est s’étend jusqu’au grand bleu le domaine du Rayol. Avant qu’y soit planté le magnifique jardin des Méditerranées conçu par Gilles Clément, il fallut abattre bon nombre d’Acacia dealbata qui y régnaient en despotes. Selon tous les botanistes, cette espèce de mimosa, très envahissante, est une véritable «peste végétale». «L’Acacia dealbata pousse très vite (plus d’un mètre par an) et produit quantité de graines, mais il a également la faculté de drageonner et de créer quantité de nouvelles pousses», explique Laurent Amalric, responsable de la pépinière du domaine.

En d’autres termes, là où pousse Acacia dealbata, la biodiversité locale a tôt fait de rendre les armes. Au domaine du Rayol, une visite thématique nommée «L’odyssée des mimosas» invite, chaque vendredi de février, à découvrir les différentes espèces et variétés d’Acacia. Ici, on en dénombre 40 sur les 1 300 recensées dans le monde.

«Avec un choix approprié, il est possible d’avoir dans son jardin des mimosas qui fleurissent toute l’année, et pas seulement en jaune citron»

Julien Cavatore, pépiniériste à Bormes-les-Mimosas

Mais c’est Julien Cavatore, pépiniériste à Bormes-les-Mimosas, qui détient la plus grande collection nationale avec 180 types différents. L’Acacia dealbata Gaulois Astier en est l’un des piliers. Ce cultivar non envahissant, capable de supporter jusqu’à – 12 °C, est l’un des plus résistants au froid. L’Acacia retinodes, qui ne dédaigne pas les sols calcaires, fait office, quant à lui, de porte-greffe pour permettre à d’autres variétés de s’installer en dehors du maquis.

«Avec un choix approprié, il est possible d’avoir dans son jardin des mimosas qui fleurissent toute l’année, et pas seulement en jaune citron», souligne Julien, à qui son père Gérard Cavatore a confié les rênes de la collection. L’Acacia caven, un arbuste épineux, originaire du Chili, forme de gros glomérules jaune orangé vers le mois de juin tandis que l’Acacia suaveolens («à odeur suave», en latin) donne, en mars-avril, de petites grappes de boules presque blanches.

 

S’il ne vit pas plus de 20 ou 30 ans, le mimosa se prête à une large palette de solutions décoratives: en pleine terre, exposé sud, mais aussi en pot dans une véranda non chauffée, en haie coupe-vue à modeste entretien, ou encore retombante et couvre-sol. Le guide Mimosas et acacias pas à pas (Gérard Cavatore, Edisud, 2008) est une véritable mine d’informations pour les amateurs.

Les mimosistes, qui commercialisent la fleur coupée, cultivent des variétés aux grappes généreuses et denses, gorgées de parfum et non entremêlées de feuillage comme la dealbata Gaulois, la Mirandole, ou la bien-nommée Acacia decurrens Bon Accueil. Le public viendra les recueillir, par brassées, le dimanche 21 février prochain, au défilé des chars fleuris de Mandelieu-la-Napoule, puis, le 28 février, à Bormes-les-Mimosas.

L’Office de tourisme de Mandelieu propose à tous ceux qui ne pourront assister à ces festivités de leur faire parvenir, via son site Internet, un bouquet de mimosa acheté dans une forcerie de la région. D’autres producteurs ont suivi l’exemple. Valérie Torres, à Bormes, expédie un bouquet de 2 kg pour 23 euros, car le mimosa est une fleur qui se vend au poids. Une brassée parfumée qu’il conviendra de garder loin de la chaleur, au moins la nuit, pour faire durer ce beau soleil d’hiver.

Agenda  

● 6-7 février: Fête du mimosa à Sainte-Maxime (Var).

● 14 février: 25e Fête du mimosa, Roquebrun (Hérault).

● Jusqu’au 26 février: visite thématique «L’odyssée des mimosas», domaine du Rayol (Var).


La «sensitive», une timide qui intrigue les scientifiques

Est-ce à cause de sa «timidité» que le mimosa pudique (Mimosa pudica), également appelé sensitive, s’est fait voler la vedette et même son nom par un autre genre de plantes, les exubérants Acacias, comme le célèbre mimosa de Nice (Acacia delbeata)?

Cet arbrisseau couvre-sol aux dimensions modestes (de 50 à 70 centimètres de hauteur), qui apprécie la chaleur et l’humidité des terrains vagues tropicaux, ne pousse sous nos latitudes qu’en serre ou en appartement.

Il tire son nom de l’étrange capacité de ses feuilles articulées à se rétracter prestement au moindre contact avant de reprendre, au bout d’une quinzaine de minutes, leur position initiale.

Cette faculté, rare dans le monde végétal, intrigue les scientifiques depuis le début du XIXe siècle, certains allant même jusqu’à suggérer, mais sans vraiment le démontrer, que cette modeste légumineuse serait douée d’une forme d’intelligence.

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