Au jardin ce week-end : «Creuse la terre»

octobre 26th, 2013

Au jardin ce week-end : «Creuse la terre»

Chaque week-end, Marc Mennessier, journaliste au Figaro, ingénieur agricole et amoureux des plantes, vous livre ses conseils et astuces pour faire de votre jardin un Éden.

«Avec une bêche à l’épaule / Avec, à la lèvre, un doux chant / Avec à l’âme un grand courage / Il s’en allait trimer au champ. / Pauvre Martin, pauvre misère / Creuse la terre, creuse le temps».

À chaque fois que je retourne la terre de mon jardin, cette chanson de Georges Brassens me vient immanquablement à l’esprit. Je ne peux m’empêcher, tout en la fredonnant, d’avoir une pensée pour tous ces pauvres hères qui, contrairement à moi, ne faisaient pas ce travail harassant par plaisir… Car ces magnifiques vers n’ont rien de gratuit ou de misérabiliste. Il y a à peine un siècle, des milliers de «pauvres Martin» tentaient de survivre à la seule force de leurs bras dans les campagnes reculées de notre douce France. En grand poète qu’il était, Brassens n’a fait que décrire, avec des rimes d’une simplicité touchante, une réalité à laquelle il a dû lui-même être confronté. Enfant, une vieille cousine, née à la fin du XIXe siècle dans le sud de la Corrèze, me racontait que son grand-père, trop pauvre pour se payer un cheval ou une paire de bœufs, se levait parfois les nuits de pleine lune pour bêcher son maigre lopin. Tout cela pour dire que ceux qui rêvent à voix haute, en 2013, dans le confort douillet de nos centre-ville, d’un retour à une «agriculture paysanne», devraient écouter ou réécouter la chanson du pauvre Martin.

● Bêcher ou ne pas bêcher? C’est la question

Paradoxalement, le labour, geste emblématique et millénaire du cultivateur, vanté par Sully et La Fontaine, est en train de passer de mode. Pour des raisons à la fois agronomiques et économiques. C’est déjà le cas en grandes cultures, où un nombre croissant de céréaliers mettent leurs charrues au rebut, et ça l’est de plus en plus… au jardin. Avec comme toujours des avantages et des inconvénients.

Outre le gain de temps et de fatigue (appréciable comme on vient de le voir), le non-labour permet de préserver l’humus et la vie microbienne du sol, et donc sa fertilité, en misant sur le travail des… lombrics. En creusant leurs innombrables galeries, ces bien nommés vers de terre contribuent en effet à aérer, ameublir et drainer le sol tout en décomposant les résidus végétaux et en redistribuant les éléments nutritifs vers les racines à différentes profondeurs. Le tout gratuitement. Qui dit mieux? Sauf que la médaille a son revers: un sol non labouré se salit et se tasse très vite. À moins de recourir à des désherbants chimiques (pas très bio…) ou de maintenir le sol couvert en permanence au moyen de paille, de feuilles mortes, de résidus de récolte et de tontes de gazon, ou en semant un engrais vert (moutarde, trèfle, phacélie…) entre deux cultures. En empêchant la lumière d’atteindre le sol, cet écran végétal va inhiber la levée des mauvaises herbes. Il va également amortir l’impact des gouttes de pluie, générateur de tassement que ce soit en été, après un gros orage, ou au début du printemps quand le sol nu est resté exposé tout l’hiver aux intempéries. Mais, on l’aura deviné, cette gestion du couvert végétal est relativement chronophage et nécessite une certaine maîtrise technique.

Un sol non labouré se salit et se tasse très vite. On peut y remédier en semant un engrais vert (moutarde, trèfle, phacélie…) entre deux cultures. En empêchant la lumière d'atteindre le sol, cet écran végétal va inhiber la levée des mauvaises herbes.
 

  Différents cas de figure

Alors faut-il sortir la bêche, la laisser temporairement dans la remise ou la mettre carrément en vente sur Internet? Tout dépend de la nature de votre terrain et de la culture qui précède.

Si votre sol est à dominante argileuse, le labour s’impose presque à tout coup. Surtout derrière des cultures d’été (tomates, aubergines, cucurbitacées) où l’entretien et le ramassage, synonymes de piétinement, ont causé un tassement important. Dans ce cas de figure, vous avez tout intérêt à bêcher maintenant, avant l’arrivée du froid, tant que la terre est encore chaude et pas trop humide. Cet hiver, le gel fera éclater les mottes et vous pourrez implanter vos cultures de printemps (salades, carottes, choux…) dans des conditions idéales. Derrière des pommes de terre ou même des endives, dont l’arrachage équivaut à un labour, un bêchage d’automne ne s’impose pas, même en condition argileuse: contentez-vous d’égaliser la terre en la travaillant sur quelques centimètres au moyen d’un sarcloir ou d’une houe, incorporez du compost en surface, paillez et laissez reposer jusqu’au printemps.

En sol limoneux, le bêchage d’automne est déconseillé. Une fois retournés, ces terrains, sensibles à la battance (compactage dû à la pluie), terminent l’hiver en piteux état s’ils sont laissés nus pendant toute la mauvaise saison. Mieux vaut, là encore, se contenter d’un travail superficiel, de bien couvrir le sol et de voir au printemps si un bêchage s’impose ou non avant d’implanter une nouvelle culture.

Enfin, les sols sableux sont incontestablement ceux qui se prêtent le mieux à la technique du non-labour. Mais, comme les précédents, ils doivent eux aussi être protégés des intempéries pendant l’hiver.

● Ce qu’il est bon de savoir

– Dans tous les cas, ne bêchez jamais par temps de gel: la terre froide que vous allez retourner mettra beaucoup de temps à se réchauffer au printemps.

– Ne retournez pas entièrement les mottes de terre, mais placez-les en oblique sur le sillon précédent afin de faciliter la décomposition des débris végétaux.

– Ne bêchez pas trop profond surtout si la roche-mère (argile, marne, calcaire) est proche de la surface. En règle générale, 25 à 30 centimètres maximum suffisent largement.

– Procédez de manière régulière sans être trop «gourmand»: une tranche de terre d’une dizaine de centimètres de largeur suffit amplement. Au-delà, vous risquez de vous fatiguer très vite.

– Enlevez minutieusement les racines de chiendent, rumex, liseron, pissenlit et renoncule, autrement ces indésirables renaîtront au printemps. Ayez toujours un seau à côté de vous, dont vous jetterez le contenu à la poubelle (et surtout pas sur le tas de compost!) une fois plein.

– Au verger ou dans vos massifs de rosiers, évitez de bêcher trop profondément afin de préserver les racines nourricières proches de la surface. Travaillez à mi-bêche (10-15 cm) ou bien utilisez une houe.

 

– Si vous avez une grande surface, utilisez une motobineuse à fraises (outil rotatif à dents) ou un cultivateur équipé d’une petite charrue à soc. Dans le premier cas, prenez garde de ne pas créer, à la longue, une semelle de labour, préjudiciable à la pénétration des racines, en particulier dans les sols argileux.

Pour fracturer cette couche compacte et imperméable, située à la base de la zone de travail habituelle, procédez à un bêchage ou utilisez une grelinette.

– Si vous avez mal, ou si vous craignez d’avoir mal au dos, portez une ceinture lombaire que vous cacherez sous votre tee-shirt afin d’éviter que tout le voisinage ne s’enquière de votre santé. En outre, c’est très efficace!

● Sur votre agenda:

27: Fête des jardiniers à Barlin « 62 »

26-27 octobre: Fête du piment d’Espelette (Pyrénées-Atlantiques).

26-27 octobre: 20e foire de la pomme et de l’oignon au Vigan (Gard).

27 octobre: Foire à la bouture de Couture-sur-Loir au manoir de la Possonnière (Loir-et-Cher).

1er-2-3 novembre: 15e Magie des orchidées au château de Vascoeuil (Eure).

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