À l’enseigne de la fille sans coeur

À l’enseigne de la fille sans coeur

Gilles (Jean Villard)

http://www.ouvirmusica.com.br/gilles-jean-villard/1338681/#mais-acessadas/1338681

 

Le ciel est bleu, le vent du large

Creuse la mer bien joliment.

Vers le port, montant à la charge,

Galopent seize escadrons blancs.

C’est un port tout au bord du monde

Dont les rues s’ouvrent sur l’infini

Mais de là, comme la terre est ronde,

On ne voit pas les États-Unis.

 

Tout le monde s’en fout, ‘y a du bonheur,

‘y a un bar chez Rita la blonde.

Tout le monde s’en fout, ‘y a du bonheur

À l’enseigne de la Fille Sans Cœur !

L’accordéon joue en majeur

Les refrains de ce vaste monde.

‘y a la belle blonde,

Cette rose en fleur,

À l’enseigne de la Fille Sans Cœur.

 

Dans ce petit bar, c’est là qu’elle règne.

On voit flamber sa toison d’or.

Sa bouche est comme un fruit qui saigne

Mais on dit que son cœur est mort.

Pourtant les gars sont là, tout drôles :

Les p’tits, les durs, les malabars

Qui entrent en roulant des épaules

‘y en a qui sont venus d’Dakar.

 

‘y en a d’Anvers, ‘y en a d’Honfleur,

Bourlinguant parfois jusqu’aux pôles.

Ils la regardent, c’est tout leur bonheur,

Mais pas un ne connaît ses faveurs.

L’accordéon joue en majeur

Tous les airs : les tristes, les drôles…

‘y a des gars qui jouent leur bonheur

À l’enseigne de la Fille Sans Cœur.

 

Le patron connaissait la musique :

Il aimait le son des écus.

Il disait à sa fille unique :

« Fuis l’amour, c’est du temps perdu ! »

Mais un soir, la mer faisait rage…

On vit entrer un étranger

Aux beaux yeux d’azur sans nuages.

C’est alors que tout a changé…

 

Il a regardé la fille sans cœur.

Elle était comme un ciel d’orage.

Quelqu’un a fait : « ‘y a un malheur »

On entendait battre les cœurs.

L’accordéon joue en mineur

Un refrain dans le vent sauvage.

‘y a une fille, le visage en pleurs,

À l’enseigne de la Fille Sans Cœur.

 

Il a dit : « C’est toi, ma divine ! »

Elle répondit : « Je suis à toi… »

Il l’a serrée sur sa poitrine.

Elle a pleuré entre ses bras.

Les autres alors, mélancoliques,

Sont partis avec un soupir…

Le vent chantait sur l’Atlantique

Pour ce cœur qui venait de s’ouvrir.

 

Ils ont filé vers leur grand bonheur.

Le patron dut fermer boutique.

On l’a vu boire toutes ses liqueurs

À l’enseigne de la Fille Sans Cœur,

Oui, mais l’État, cet accapareur,

Qu’a toujours le sens du comique

A mis le bureau du Percepteur

À l’enseigne de la Fille Sans Cœur…

 

Comments are closed, but trackbacks and pingbacks are open.