Les potagers en carré.

Impossible d’ouvrir un magazine ou un site de jardinage sans buter sur le sempiternel reportage branché : Les potagers en carré.

Certains, qui ont tendance à confondre l’histoire du moyen-âge et les monologues de Pierre Dac, n’hésitent pas à assurer de façon péremptoire que cette mode est une résurgence des carrés de simples des herbariums des monastères bénédictins.
En fait, elle nous vient d’Amérique, tout comme le phyloxéra, le coca-cola, la phytolacca et la mondialisation triomphante. La paternité en revient à un certain Bartholomew, assurément meilleur promoteur de design que jardinier. Il en a fait sa bible. Et s’est attelé à évangéliser la planète. Sans avoir recours à des missionnaires style Témoins de Jehovah. Plus simple de se mettre les médias dans la poche..

La contagion est fulgurante. Surtout chez les néo jardiniers.

Ils débarquent de la ville, forts de leur expérience de deux pots de pélargoniums sur le balcon de leur précédent appartement et de la lecture pieuse du Net et/ou du supplément jardin de Madame Figaro. Ils abordent ainsi, sûr d’eux, l’agriculture moderne, écologique, et salvatrice de la Planète. Regardant avec réprobation les pratiques périmées des jardiniers locaux. Leur première – et quasi unique –  préoccupation, avant de créer leur potager, n’est pas de se renseigner sur les maxima et minima du climat local, ni sur le pH du sol ou sa structure. Non, c’est de connaître les fournisseurs locaux de bois pour construire leurs lignes Maginot potagères .

Il nous en est débarqué un couple, récemment. Un musicien et une designer. Pour s’installer en télé-travail. Très Hulotiens bling-bling… Comme j’ai, dans mon coin perdu, une vague petite réputation (très surfaite) de jardinier, ils sont venus me consulter…
Je tiens beaucoup à la correction de mes écrits : mon expression orale est beaucoup plus relâchée. Je ne retranscris donc pas le contenu intégral de la réponse que je leur ai donnée.
Mais elle a solidement contribué à renforcer mon surnom de bourru.

Car, si c’est une sage précaution, dans ma Normandie natale, de surélever sa planche d’échalotes pour bien drainer le sol et éviter qu’elles ne pourrissent, en revanche, dans mon  coin d’adoption où l’on peut rester six mois d’affilée sans voir une goutte de pluie (et où le sol sableux s’assèche complètement en deux jours de mistral) planter ses salades à un mètre au dessus du sol initial tient du masochisme absolu.
Chez nous, on aurait sans doute plus d’enseignements à tirer des traditions de culture en fosses inondables des jardiniers arabo-andalous de Grenade que des élucubrations de gourous californiens dans le vent…

Nos deux jeunes catéchumènes ont donc construit leurs îlots, bien orthogonaux (peut-être, avaient-ils la nostalgie de l’ordonnancement rigoureux des immeubles de leurs quartiers d’origine ?).  Ils n’ont rien récolté, malgré des arrosages répétés ?  Qu’importe, ils sont sûrs d’avoir raison, contre les locaux attardés et leurs traditions dépassées..

Vivent les carrés ! C’est branché, les carrés..
Je leur avais pourtant suggéré d’essayer les triangles équilatéraux, plus mystiques.

Ils ont refusé… Trop maçonniques, ont-ils dû penser..

Être dans le vent? Une ambition de feuille morte, disait Jean Duché..

One Response

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  1. Ah ! mon Bourru, je te reconnais bien là. Il est plaisant de retrouver ton humour et ta finesse sur ce blog.

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