Re: [Webjardiner] J'suis la honte

Voici mon histoire, celle de mon expérience en tant que jardinier amateur.

J'ai repris le jardin de mon père à sa disparition, en 1997. J'ai donc près de vingt ans d'expérience !

Mais quelle expérience ! Il m'a fallu sept ou huit ans pour comprendre que je n'y connaissais rien, et que c'était beaucoup plus compliqué que je ne le pensais.

Pourquoi ne m'être pas rendu compte plus tôt de mon ignorance en la matière ?

Eh bien, parce que, les premières années tout paraissait bien fonctionner… et 7 ou 8 ans de satisfaction, ce n'est pas rien !

A l'époque, face aux questions d'un débutant, j'eusse sans doute répondu que le jardinage, ce n'était pas bien difficile. Tout me paraissait intuitif ; il suffisait de semer comme je l'avais vaguement vu faire, arroser… et récolter. Bien sûr, il fallait chaque printemps bécher et ôter les "mauvaises herbes". J'ai le souvenir de belles récoltes de haricots nains, puis de haricots à rames… de belles tomates, des salades, des radis… la troisième ou quatrième année, les pommes de terre essayées pour la première fois, avaient été un vrai succès; pas l'ombre d'une maladie, si ce n'est sur quelques rares plants. Ma première tentative de faire pousser des carottes ayant échoué, un vieux cousin m'avait enseigné ce qu'il fallait faire : creuser des sillons profonds et les remplir d'une terre tamisée et mélangée de sable ; le résultat avait été surprenant, idem avec des navets. Tout allait bien d'une année sur l'autre. Tout au plus ajoutai-je quelques poignées de NPK au moment du béchage printanier (du 0-P-K pour les pommes de terre). Les mauvaises herbes étaient, certes, bien présentes, mais je les arrachais soigneusement.

C'était entre 1997 et 2004 à peu près.

Puis les choses ont commencé à se gâter, et j'ai peu à peu perdu le contrôle de mon jardin. Les mauvaises herbes étaient progressivement devenues si envahissantes que c'était devenu ingérable. Les pissenlits, renoncules et coetera, fleurissaient plus vite que je ne pouvais les arracher, en dépit des heures que j'y passais. Des carottes, je n'en n'ai récolté qu'une seule année, l'année suivante les plants étaient attaqués, et je n'avais pratiquement rien récupéré, pareil pour les navets. La rotation des cultures? Pas évident lorsqu'on dispose d'un petit jardin dont les parties ne sont pas équivalentes en terme d'ensoleillement, exposition, proximité d'arbres etc.. J'ai bien essayé quelques rotations, mais sans grand succès, tout au moins, sans succès durable et répétitif. Après les carottes et les navets, ce sont les pommes de terre qui ont commencé à déconner. Après environ trois années de bonnes récoltes, les chats du quartier se sont invités à venir jouer dans les rangées, déchiquetant les tiges comme s'ils s'agissait de fils de laine, la récolte étant alors divisée par deux ou par trois. J'ai d'abord mis des filets, mais les chats passaient dessous. Puis j'ai installé un véritable grillage haut et hérissé de piquants : les chats se sont découragés ; ils abîmèrent encore quelques autres légumes, mais jamais avec autant de hargne qu'auparavant les pommes de terre. Mais d'autres fléaux attendaient ces tubercules : une maladie qui doit être un mildiou ou une alternariose… chaque année, les plants poussaient bien, ils avaient de belles feuilles et fleurissaient bien, puis, soudainement, en 2 ou 3 jours le feuillage virait massivement au jaune, alors qu'on n'en n'était même pas à la moitié de la durée normale de végétation. Quelques jours plus tard, l'on ne voyait plus guère de plants de pommes de terre, cachés qu'ils étaient par la levée d'adventices. Des pulvérisations de bouillie bordelaise dès le début du jaunissement, n'avaient pas donné les résultats escomptés. Au lieu des 30 à 40 Kg de pommes de terre que je récoltais précédemment, j'en récupérais alors seulement 4 à 5 Kg, la plupart étant toutes petites. J'ai essayé de cultiver des pommes de terre dans d'autres espaces de mon jardin, avec les mêmes résultats. Il s'agissait de "Charlotte", les mêmes que celles qui avaient si bien marché les années précédentes.

Les haricots à rames. Autrefois, ils commençaient à donner en juillet, les récoltes étaient abondantes et savoureuses, et, les premières années, j'en avais encore à la fin octobre ou au début novembre. Après 2 ou 3 ans, comme pour les pommes de terre, les plants achevaient leur cycle de végétation beaucoup plus tôt, soit entre la mi août et la fin août : jaunissement très rapide des feuilles et fin de vie de la plante ; récolte divisée par trois ou quatre. Les salades étaient chétives, les feuilles tachées pour beaucoup, et celles qui restaient saines étaient très minces, genre papier à cigarette, peu goûteuses, ou alors amères. Je mettais pourtant du NPK, ou, certaines années, du fumier de champignons ou du compost.

Actuellement, seuls les radis au printemps, et les tomates, donnent encore à peu près… quoique pour les tomates, cette année elles ont été très tardives et peu abondantes.

Il n'y a donc pratiquement plus rien qui marche. Je ne puis m'appuyer sur l'expérience de mes voisins, car ils ont opté pour le gazon avec quelques fleurs, ayant abandonné les cultures potagères depuis de nombreuses années ; ils ne disent pas que c'est à cause de problèmes comparables aux miens, mais plutôt parce qu'ils ne voulaient plus y consacrer le temps que cela exigeait. Un seul voisin cultive encore un potager, mais c'est à plusieurs kilomètres de chez lui.

Pour tenter de remédier à ces problèmes, j'ai, depuis 2011, engagé plusieurs actions. Pour savoir quoi faire, j'ai consulté la littérature et autre documentation disponible, et j'ai sollicité les conseils du seul voisin qui cultive encore un potager éloigné.

Les documents consultés m'en ont appris un peu plus sur les adventices. Il est vain d'espérer les éliminer complètement, sauf à couvrir le jardin d'une bâche noire pendant toute une année…. Ou à recourir au Glyphosate (Roundup), ce qui prend toute une saison, car derrière les herbes qui meurent, d'autres repoussent dont les graines n'avaient pas encore germées, et il faut donc recommencer plusieurs fois… sans compter que le roundup est beaucoup moins actif qu'il l'était il y a quelques années, les nouvelles générations de plantes s'habituant rapidement à son action. Ou encore, traiter au chlorate (à condition d'en trouver !) et attendre quatre ans avant de tenter de nouveaux semis!

Je n'ai voulu me résoudre à aucune de ces solutions.

Mon voisin m'a alors convaincu que mes problèmes venaient du fait que je n'avais pas fait un béchage suffisamment profond pour enterrer et étouffer les mauvaises herbes. Il m'a prêté son petit motoculteur. Après le passage de cet engin, le jardin était tout beau tout propre… mais les mauvaises herbes ont repoussé de plus belle, encore plus denses que précédemment! Etant malgré cela toujours convaincu que le labour n'avait pas été assez profond, il m'a recommandé les services d'un spécialiste qui, lui, a passé un motoculteur modèle pro, très lourd et très puissant, travaillant plus profondément. Le résultat a été encore pire que la précédente fois ; encore davantage de mauvaises herbes, dont certaines espèces jusqu'alors inconnues dans mon jardin… et la même maladie que précédemment pour les pommes de terre que j'ai à nouveau expérimentées en plusieurs endroits.

C'est alors que j'ai lu le livre de Paul Vandezande: "Jardinage biologique pour tous, éditions Andrillon" publié en 1980, dont le contenu a complèté quelques notions que j'avais lues ailleurs et dont je ne savais trop que penser.

De ce livre, j'ai retenu, entre autres choses, les principes suivants :

1. Ne jamais retourner la terre, n'y faire aucun enfouissage. Limiter les manipulations à des griffages en profondeur, au moyen de la grelinette. Le retournement de la terre inverse des couches qui ne doivent pas être perturbées, et par ailleurs cela ramène en surface des semences dormantes qui vont faire pousser de nouvelles espèces d'adventices.

2. Restituer à la terre ce que les cultures lui ont pris, en laissant sur place les déchets, finement broyés à la tondeuse à gazon. Eventuellement épandre du compost. Même si le compost n'est pas très mur, il ne posera pas de problème si l'on s'abstient absolument de l'enfouir.

3. Ne plus s'obstiner à éradiquer les "mauvaises herbes". Par la mise en place d'engrais verts, remplacer tout ou partie des adventices nuisibles par d'autres qui soient utiles, ou moins problèmatiques. Se contenter ensuite de les biner lorsqu'ils sont trop envahissants, sans les déraciner (sauf s'il s'agit de liseron…)

4. Maintenir le sol toujours couvert, (restes gyrobroyés des cultures précédentes, adventices ou de l'engrais vert)

A la lueur de ces principes… et d'autres… j'ai, au début septembre 2014, semé du sarrasin sur une parcelle (environ 30 m²). Cette culture était sensée restructurer la terre et étouffer une bonne partie des adventices. Peu avant la Toussaint, le sarrasin étant en fleurs, je l'ai gyrobroyé sur place, et l'ai laissé là tout l'hiver. Au printemps 2015, des mauvaises herbes avaient repoussé en nombre. Peut-être un peu moins qu'avant, mais c'est difficile à dire, car nous n'étions qu'en mai. J'ai alors tondu à nouveau, puis passé la grelinette, semé quelques salades en pleine terre, installé des plants tout prêts ailleurs. Tout a bien poussé, mais envahi de mauvaises herbes comme par le passé, qu'il a fallu biner régulièrement. (Je me suis absenté une dizaine de jours à la fin juin, et, au retour, les salades disparaissaient littéralement sous les mauvaises herbes). Par ailleurs, au moment où j'ai semé lesdites salades, c'est à dire en mai, j'ai semé du sarrasin dans deux autres parcelles du jardin. Celui-ci a été gyrobroyé vers le 20 juillet, ayant atteint le stade de floraison. Après quelques jours de sèchage des résidus, j'ai fait des semis d'oignons blancs hâtifs et j'ai planté des choux. A ce stade, tout à l'air d'aller bien, on verra par la suite. Enfin, sur une autre parcelle, j'ai semé de la phacélie… qui a levé très vite, elle arrive doucement à la floraison. Jusqu'à il y a quelques jours, cette plante avait l'air d'avoir complètement étouffé les "mauvaises herbes", principalement digitaire et mercuriale… mais, désormais, alors que la Phacélie a atteint un stade où elle ne grandit plus guère, des mauvaises herbes que je croyais disparues la rattrappent en hauteur et en volume, apparemment en voie de redevenir majoritaires…

Voilà donc où j'en suis après toutes ces années de pratique. Je ne gère toujours rien – ou pas grand-chose -, mes certitudes se sont envolées, je n'y comprends rien ou pas grand-chose, et la conviction de n'être pas le seul à n'y rien comprendre, n'est pas vraiment une consolation. Les méthodes traditionnelles ne fonctionnent plus, ou plus guère… Est-ce dû à l'environnement, au climat, à la pollution, aux semences que nous vendent les jardineries…, ou encore, à l'arrêt de la plupart des produits utilisés autrefois…? J'ai retrouvé un vieux traité de jardinage qu'utilisait mon père. C'est le fameux "Guide Clause"! L'on ne peut que s'exclamer en en parcourant les pages… Pour chaque plante cultivée, il y avait la liste des traitements qu'il fallait faire avec des produits vendus par Clause, les quantités à utiliser et la fréquence des applications… Cela fait frémir… Qui voudrait aujourd'hui cultiver avec de tels procédés? Heureusement, la plupart de ces produits sont désormais interdits.

Malheureusement, je ne suis pas certain qu'on ait trouvé d'autres méthodes efficaces pour obtenir de bons résultats en jardinage amateur. La littérature ne manque pas, mais il est bien difficile de se faire une opinion, tant les méthodes sont variées. Le jardinage bio : combien de méthodes différentes ?

Il y a bien au moins une méthode qui marche. C'est celle du BRF (Bois Raméal Fragmenté). Les Québecois ont réinventé cette méthode il y a une dizaine d'années ; c'était la méthode "Jean Pain" (agronome provençal du dix huitième siècle, qui avouait lui-même réutiliser la méthode dite des Templiers (XI – XIV ièmes siècles)). C'est assez génial… sauf que… ce n'est pas pour tout le monde, la plupart d'entre nous n'ayant pas accès à la ressource et aux moyens nécessaires, c'est à dire, pouvoir récupérer chaque année des dizaines de mètres cubes de branchages dans les forêts, les transporter et les broyer au moyen de broyeurs coûteux et bruyants qu'il faut faire fonctionner des dizaines voire des centaines d'heures...


Sujet écrit par Bernard7895 le vendredi 4 septembre 2015 à 00:14

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