[Pesticides]

Dans les pays industrialisés, la révolution verte des années 60 a considérablement augmenté la productivité agricole en jouant sur l'augmentation des surfaces cultivées, la mécanisation, la plantation de cultures sélectionnées et hybrides aux rendements plus élevés, le remembrement et la lutte contre toutes les nuisances.
Cette lutte passe notamment par le recours massif aux pesticides, qui sont des produits chimiques dangereux destinés à repousser ou tuer les rongeurs, champignons, maladies, insectes et "mauvaises herbes" qui fragilisent le mode de culture intensif.
Les pesticides ne sont pas seulement utilisés dans l'agriculture mais aussi dans le jardin du particulier, dans les parcs ouverts au public, pour l'entretien de la voirie, des voies ferrées, des aires de loisirs (golfs, hippodromes...).
Les pesticides sont des Polluants Organiques Persistants qui perdurent dans l'environnement, s'accumulent dans les graisses et sont, d'une manière générale, dangereux pour la santé : cancers, altération du système immunitaire, problèmes de reproduction...
Les pesticides touchent aussi massivement les zones rurales des PVD (Pays en Voie de Développement) où malformations, cancers, maladies congénitales, désordres du système nerveux déciment la population.
Pesticide : définition
Le mot « pesticide » se compose du suffixe commun -cide, du latin caedo, caedere, qui signifie tuer, et du mot -pestis, qui désigne un animal nuisible, un fléau. Les pesticides sont des tueurs de parasites. Ce terme générique désigne l'ensemble des produits chimiques, naturels ou de synthèse, destinés à repousser ou détruire les nuisibles, (microbes, animaux ou végétaux), durant la production, le stockage ou la commercialisation de produits agricoles, de denrées alimentaires, ou de bois. Ils servent également à combattre les différents vecteurs de maladies humaines ou animales (Rapport d'information sur les pesticides et leur impact sur la santé, 10/2012).
Ainsi, on désigne par pesticide tout substance destinée à repousser, détruire ou combattre les ravageurs et les espèces indésirables de plantes ou d'animaux. Sont également inclus les régulateurs de croissance des plantes, les défoliants (pour faire tomber les feuilles), les dessicants (pour absorber l'humidité), les agents qui réduisent le nombre de fruits ou évitent leur chute précoce ainsi que les substances appliquéesavant ou après récolte pour conserver les produits pendant leur stockage et leur transport (Rapport d'information sur les pesticides - Assemblée Nationale, 02/06/2009)
D'un point de vue réglementaire européen, on distingue deux grandes catégories de pesticides :
-    les produits phytopharmaceutiques destinés à la protection des végétaux. Il en existe trois types : les herbicides, les fongicides et les insecticides.
-    les biocides destinés à la protection des éléments de construction (charpente) ou des animaux domestiques.
Les pesticides sont généralement classés en fonction de la cible qu'ils visent, on distingue ainsi :
-    les herbicides pour lutter contre les "mauvaises herbes"
-    les fongicides pour détruire les champignons, maladies virales et bactériennes
-    les insecticides pour tuer les insectes
-    les corvicides contre les oiseaux
-    les rodenticides pour lutter contre les taupes et les rongeurs
-    les mollusicides contre les limaces
-    les nématicides contre les nématodes (petits vers)
-    les régulateurs de croissance.
Les pesticides sont également regroupés en fonction de leurs composants actifs ou substance active : organochlorés (DDT, lindane...), triazines (atrazine, simazine...), acétamides (acetochlore, alachlore...)...
La substance active exerce une action générale ou spécifique sur les organismes nuisibles ou végétaux. Au final, Un produit phytosanitaire désigne un produit phytopharmaceutique et ses adjuvants (produit ajouté pour renforcer l'action de la substance active).
Historique
Avant la seconde Guerre Mondiale, les pesticides employés en agriculture étaient des dérivés de composés minéraux ou de plantes : arsenic, cuivre, zinc, manganèse, plomb, pyrèthre, roténone, sulfate de nicotine... que l'on retrouve en partie dans les cigarettes actuelles.
Ce sont les armes chimiques de la première Guerre Mondiale comme le fameux gaz moutarde (composé de chlore) qui assureront un nouveau débouché industriel pour les pesticides, une fois le conflit terminé.
Ainsi, les organochlorés firent leur apparition avec de nombreuses déclinaisons qui ont connu un énorme succès comme le célèbre DDT, interdit en Europe depuis 1972.
Parallèlement, l'encadrement réglementaire des pesticides date du 2 novembre 1943, validée par une ordonnance du 13 avril 1945. Aujourd'hui, en France, c'est essentiellement le droit communautaire européen qui fixe les grandes orientations legislatives.
Les pesticides : une arme dans la guerre du Viêtnam
La guerre du Viêtnam restes la "plus grande guerre chimique expérimentale de tous les temps" selon l'amiral américain Elmo R. Zumwalt, commandant des forces navales au Vietnam. En effet, "l'agent orange", un puissant défoliant a été utilisé massivement par les américains et leurs alliés de 1961 à 1971, au Viêtnam, au Laos et au Cambodge pour priver l'ennemi de la couverture végétale et détruire ses récoltes. 77 millions de litres ont ainsi été déversées sur près de 3 millions d'hectares... Or, la fabrication de "l'agent orange", en théorie inoffensif pour l'Homme, nécessite une dioxine à l'origine de maladies de la peau, de cancers et de malformations qui auraient fait entre 2 et 5 millions de victimes (Guerres & Histoires, août 2012). Aujourd'hui encore, les effets de cette dioxine particulièrement résistante se font sentir.
Début août 2012, après plus de 40 ans de déni, pour la première fois, les Etats-Unis se sont engagés dans une opération de dépollution sur l'ancienne base américaine de Danang, dans le centre du Vietnam (un des trois sites les plus contaminés du pays). Celui-ci présente des concentrations toxiques 400 fois supérieures aux normes acceptables.
L'essor des Variétés Tolérantes à un Herbicide (VTH)
Depuis la mise au point des herbicides de synthèse dans les années 1950, l'élimination des adventices (plantes indésirables) repose principalement sur la sélectivité des herbicides, c'est à dire leur capacité à cibler les "mauvaises herbes" sans porter préjudice aux cultures. Cependant, face à la difficulté à découvrir de nouveaux modes d'action, les industriels ont cherché, dès les années 1980, à modifier les caractéristiques des variétés cultivées pour les rendre tolérantes à l'application d'un herbicide, on parle alors de variétés tolérantes à un herbicide (VTH). Pour ce faire, trois méthodes sont utilisées (INRA, mars 2012) :
-    la sélection de spécimens naturellement résistants ;
-    sélection de spéciments par mutagénèse ;
-    introduction de gènes de tolérance par transgénèse (OGM) - 95% des VTH.
La commercialisation des pesticides
La mise en vente de produits pesticides dépend de l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché (AMM), valable dix ans. Elle est délivrée par le ministre chargé de l'agriculture, après une procédure d'évaluation du risque pour le consommateur, l'utilisateur et l'environnement. Or, jusqu'à présent, ces évaluations sont effectuées sur la base des propres études et déclarations du fabricant. Impensable mais vrai : un scandale porté à la connaissance du public suite à l'étude du Pr. Séralini sur le maïs transgénique Monsanto 810.
Aujourd'hui, l'agriculture française utilise environ 500 pesticides qui entrent dans la composition de plus de 8000 produits commercialisés. Or, les effets de ces produits sur la santé se manifestent parfois plusieurs dizaines d'années après leur utilisation. Le suivi des produits après leur mise sur le marché n'est qu'imparfaitement assuré au regard de leurs impacts sanitaires réels et l'effet des perturbateurs endocriniens est mal pris en compte. Il est donc nécessaire d'améliorer la procédure d'autorisation de mise sur le marché des pesticides (AMM) et le suivi post-AMM souligne la Mission d'information sur les pesticides et leur impact sur la santé du Sénat.
Des Polluants Organiques Persistants
Tous les pesticides organochlorés de première génération sont des POP (Polluants Organiques Persistants) dont voici les principales caractéristiques :
-    ils perdurent dans l'environnement
-    ils s'accumulent dans les graisses et via la chaîne alimentaire notamment chez les super-prédateurs comme l'Homme
-    ils sont dispersés dans l'environnement via les courants atmosphériques et marins
-    ils sont dangereux pour la santé : cancers, altération du système immunitaire, problèmes de reproduction...
12 POP ont été recensés par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) et interdits dans de nombreux pays comme l'Union Européenne (UE) et les Etats-Unis lors de la convention de Stockholm en mai 2001.
Bien que ces POP ne soient plus utilisés dans les pays industrialisés depuis plus de 20 ans, ils perdurent encore dans les écosystèmes et donc dans nos aliments.
De plus, les organochlorés interdits ont été remplacés par de nombreuses autres familles chimiques dont les organophosphorés moins persistant dans l'environnement mais plus toxiques.
Une consommation planétaire, le cas de la France
Depuis 40 ans, les pesticides touchent tous les pays et les capacités de production des pays en voie de développement sont en pleine expansion.
Ainsi, les pesticides touchent massivement les zones rurales des PVD (Pays en Voie de Développement) où malformations, cancers, maladies congénitales, désordres du système nerveux déciment une population qui souffre déjà de nombreux maux.
Même si les pulvérisations se font petit à petit de plus en plus rares, il demeure des stocks importants de pesticides périmés :
-    100 000 t en Afrique et au Moyen-Orient
-    200 000 t en Asie
-    200 000 t en Europe de l'Est avec la Russie.
Trop souvent, les pesticides sont abandonnés à ciel ouvert...
Pourquoi de telles quantités ? Manque d'équipements, d'informations, achats et dons trop importants, corruption avec les producteurs occidentaux qui se débarrassent à bas prix de leurs stocks de pesticides interdits vers les PVD. Une ONG américaine a ainsi estimé en 1995-1996 que 14 tonnes de pesticides interdits aux Etats-Unis étaient exportés par jour vers le Pakistan et le Vénézuela (SMITH C., ROOT E., 1999).
Au niveau mondial, les ventes augmentent ainsi que la toxicité des produits vendus. Ceci conduit nécessairement à une pollution généralisée des écosystèmes de notre planète.
La consommation française de pesticides
En France, c'est l'Union des industries pour la protection des plantes (UIPP) qui fournit les données sur la vente des pesticides sur le territoire. En 2006, 71 600 tonnes ont été commercialisées dont 90 à 94% étaient destinées à l'agriculture, le reste se partageant équitablement entre les usages amateurs et les usages collectifs (voirie, SNCF...).
La France, première puissance agricole européenne, est particulièrement consommatrice de pesticides puisqu'elle est le premier marché européen de pesticides et le 4e, au plan mondial, derrière les Etats-Unis, le Brésil et le Japon.
L'évolution de la consommation en France montre une diminution des tonnages de substances actives vendues depuis la fin des années 90. Ainsi, 120 500 tonnes de substances actives étaient commercialisées en 1999 contre 71 600 tonnes en 2006, soit une diminution de plus de 40 %. Toutefois, en 2007, 77 300 tonnes de substances actives ont été vendues, une hausse qui s'expliquerait notamment par des conditions climatiques défavorables, propices aux maladies et à l'apparition de nouveaux insectes ravageurs.
La France est également le pays d'Europe qui a le plus de substances autorisées sur le marché : environ 380 début 2007 (Agritox, 08/2007).
La consommation des insecticides et des fongicides tend à stagner au contraire des herbicides comme le Roundup® qui progresse régulièrement.
Une réponse à l'arrivée de nouveaux insectes ravageurs
L'UIPP a souligné récemment, dans le cadre du groupe de travail "environnement" de la commission des affaires économiques de l'environnement et du territoire, que plus de 40 nouveaux insectes ravageurs ont été introduits en France entre 2000 et 2005. Ceci, notamment à cause du réchauffement climatique en cours.
Une pollution planétaire
Les résidus industriels chimiques et les pesticides sont transportés sur des milliers de kilomètres via le cycle de l'eau et les masses d'air comme en témoigne la contamination des Inuits du Grand Nord Canadien qui vivent pourtant de chasse et de pêche. Les bébés inuits nourris au sein développent jusqu'à quinze fois plus d'otites que ceux du Québec Sud (DEWAILLY E. et al, 2000).
En 1989, l'OMS estimait que les pesticides étaient à l'origine d'un million d'empoisonnements graves et de 220 000 morts par an dans le monde. En août 2007 la célèbre revue médicale "The Lancet" publie même une étude montrant que le suicide aux pesticides fait 300 000 morts par an dans les campagnes asiatiques. Les pays développés qui utilisent 80% des quantités de pesticides ne comptent que la moitié des cas d'intoxication.
Les troubles aigus concernent principalement les muqueuses, la peau, le système digestif et le système respiratoire.
Les pesticides présents dans tous les écosystèmes
Avec des décennies d'agriculture industrielle polluante, des millions de tonnes de pesticides ont été déversées sur les cultures en France, intégrant toutes les composantes de la biosphère : eau, sol, air, végétation, animaux et Homme.
Ainsi, 96% des eaux de surface et 61% des nappes phréatiques en contiennent (IFEN, 09/2006). Ce qui nuit à la qualité de l'eau potable au robinet, mais aussi à quelques eaux de sources et minérales vendues en bouteille.
La Concentration Maximale Admissible (CMA) pour les pesticides dans l'eau distribuée au robinet est de 0,1 µg/l/pesticide et de 0,5 µg/l pour tous les pesticides selon la réglementation européenne (directive 98/83/CE). Cette valeur est dépassée pour des millions de français chaque année (Ministère de la Santé).
L'eau de pluie et le brouillard peuvent contenir respectivement de 0,1 µg/l jusqu'à 14 µg/l de pesticides d'après des relevés de l'INRA (Environnement Magazine, 2000). Une étude d'AirParif de 2007 a même retrouvé une vingtaine de pesticides différents dans l'air de Paris !
En effet, lors de la pulvérisation sur les cultures, on estime que 25 à 75%, voire plus, des quantités se dispersent dans l'atmosphère.
On retrouve par conséquent des résidus de pesticides dans nos aliments comme en témoignent les chiffres suivants :
Les pesticides dans les zones non agricoles
Outre l'agriculture, de nombreux acteurs utilisent les pesticides, au coeur même de la ville et au sein de la population : gestionnaires des routes, des voies ferrées, paysagistes pour l'entretien des espaces verts et jardiniers amateurs !
A titre d'exemple, Réseau Ferré de France (RFF) doit désherber tous les ans 30 000 km de réseau ferré national, un coût de 60 millions d'euros par an, selon RFF.
Source : Union Européenne, DG SANCO, 2006
Pays    % d'échantillons dépassant
les limites autorisées de résidus    % d'échantillons avec
résidus de pesticides
Hollande    14,7%    66,7%
France    5,8%    50,8%
Espagne    3,6%    35,6%
Allemagne    8%    61%
Italie    1,3%    33,3%
Moyenne UE +
Norvège, Lischtenstein et Islande    4,7%    44,4%
Or, les pesticides sont des produits chimiques destinés à tuer, il est donc assez logique qu'ils soient nocifs pour notre santé...

Les pesticides : les risques sur la santé
Menaces sur l'air intérieur

© Générations Futures
Notons que l'air des maisons peut être même plus pollué que l'extérieur. En effet, de nombreux produits de traitement utilisés par les jardiniers sont rapportés à l'intérieur des habitations par leurs occupants et leurs animaux domestiques (Nishioka, 2001).
Ces résidus, remis en suspension et qui perdurent sur les sols (notamment les moquettes et les tapis) constituent alors des risques notables pour les plus jeunes qui les respirent et les ingèrent alors que leur organisme est bien plus vulnérable.
Cette constatation n'est pas une fatalité puisque le jardinier dispose de moyens simples et économes pour prévenir ces risques sur notre santé.
De surcroît, les insecticides ménagers (bombes aérosols, boîtes appâts, colliers antiparasites...) sont autant de sources nocives pour notre santé.
Notre organisme contaminé, les risques sur notre santé
Notre corps est imprégné de pesticides, ainsi tout adulte européen héberge jusqu'à 500 produits chimiques industriels différents qui se sont accumulés dans les graisses. Un grand nombre sont des pesticides.
Les POP se retrouvent dans les tissus adipeux, le cerveau, le sang, le lait maternel, le fois, le placenta, le sperme et le sang du cordon ombilical.
En France, les principaux polluants du lait maternel, qui reste un bon indicateur de la contamination de l'ensemble de l'organisme, sont le HCH et le DDT pourtant inutilisé depuis près de 30 ans.
En Grande-Bretagne, en 1997, 99% des échantillons de tissus adipeux contenaient un dérivé de DDT.
Différentes études révèlent ainsi que les populations sont massivement contaminées.
Une enquête annuelle de 2009 du gouvernement bangladeshi sur la situation sanitaire du pays a révélé que les empoisonnements liés aux pesticides étaient l'une des principales causes de décès. Les victimes méconnaissent les précautions d'utilisation et réutilisent les contenants.
Une étude hollandaise de novembre 2000 révèle que 2% des enfants (0 à 6 ans) hollandais (soit un effectif d'environ 20 000) reçoivent une dose supérieure à la Dose Journalière Admissible (DJA) et 2% une dose suffisante pour déclencher des symptômes d'empoisonnement par la consommation de fruits et légumes. Pour autant, la norme européenne (100 µg/kg/pesticide/j) n'est jamais dépassée, preuve qu'elle n'est pas adaptée.
Une même étude a été conduite aux Etats-Unis par l'ONG EWG en 1998 : plus de 600 000 enfants absorberaient chaque jour une dose de pesticides organophosphorés supérieure au maximum toléré par l'EPA (Agence de Protection de l'Environnement).
Ces résultats pourraient être facilement transposés à la France...
Pesticides et cancers
Depuis la fin des années 80, les cancers sont devenus la première cause de mortalité (13% en 2008, OMS, 02/2012). L'incidence du cancer a augmenté de 63% en 20 ans et la majorité de ces nouveaux cas sont liés à des facteurs environnementaux ((Lichtenstein et al. 2000). Bien que le cancer du poumon soit le premier responsable, les pesticides représenteraient un risque croissant et significatif selon un certain nombre d'études épidémiologiques.
Pour éviter la catastrophe, il faudrait appliquer aux pesticides les 3 principes fondamentaux apparus en environnement ces dernières années :
-    le principe de précaution
-    le principe de renversement de la charge de la preuve : un produit devrait être mis sur le marché que si l'on est sûr qu'il est inoffensif pour notre santé et non en absence de preuve sur son innocuité
-    le principe de substitution en promouvant systématiquement les solutions les moins dangereuses en agriculture, chimiques ou non.
"Les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont sous-évalués. Certaines manifestations d'effets sanitaires potentiellement lourds et à long terme ne peuvent actuellement être recensées et semblent être appelées à se multiplier", c'est le constat de la Mission commune d'information sur les pesticides et leur impact sur la santé (Sénat, 10/2012).
Les Hommes ne sont pas les seuls touchés et les animaux qui contribuent à l'équilibre des écosystèmes souffrent également de cette pollution.

Les risques sur les animaux
© C. Magdelaine / notre-planete.info
De nombreux animaux s'intoxiquent avec les pesticides : éléphants en Inde, moineaux, insectes (abeilles) dont les populations peuvent chuter de 80% après épandage et dauphins en Europe, grenouilles en Amérique du Nord, goélands, poissons...
Par exemple, selon des scientifiques du WWF, l'orque serait dorénavant le prédateur le plus pollué d'arctique, devant l'ours blanc. En effet, les graisses de ces animaux qui se situent au bout de la chaîne alimentaire, cumulent des quantités inquiétantes de pesticides qui transitent par les oiseaux migrateurs et les eaux de surface.
Les oiseaux sont aussi directement touchés par les pesticides : rien qu'aux Etats-Unis, 72 millions d'oiseaux meurent chaque année de l'ingestion de pesticides épandus (United States Fish and Wildlife Service, 01/2011). De plus, un nombre inconnu et probablement supérieur d'oiseaux perdent la vie, intoxiqués par les polluants présents dans les poissons qu'ils mangent. Enfin, une grande partie de ces oiseaux morts laissent des petits qui n'ont aucune chance de survie sans nourriture et protection...
Le comble, c'est que certains chercheurs estiment que sur les 2,5 millions de tonnes de pesticides répandues chaque année dans le monde, seulement 0,3% atteignent effectivement leur cible. Le reste (99,7%) touche toutes les autres espèces vivantes avec des conséquences multiples :
-    affaiblissement des défenses immunitaires
-    baisse de la fertilité
-    modification des comportements malformations
-    raréfaction des sources de nourriture souillées
-    empoisonnement direct
Notons que des insecticides nuisent à l'activité d'organismes essentiels pour la fertilité des sols comme les bactéries, champignons, algues, verts de Terre, insectes...
Pour autant, certaines espèces deviennent de plus en plus résistantes encourageant l'application de produits plus concentrés, plus toxiques et/ou en plus grande quantité...
Le cas du Gaucho
Ce produit, utilisé en enrobage de semences (maïs, orge, blé) et dorénavant interdit sur les graines de Tournesol et de maïs depuis 2004, affecte notamment les ruches dont les pertes de population atteignent jusqu'à 40%.
Des catastrophes majeures
Bhopal
A Bhopal, en Inde, l'explosion de l'usine américaine Carbide le 3 décembre 1984 fût à l'origine de 16 000 à 30 000 morts et de 250 000 à 500 000 blessés : convulsions mortelles, poumons brûlés dont les sécrétions étouffèrent les victimes, cécités irréversibles... Comme la catastrophe de Tchernobyl, le bilan reste tellement lourd qu'il est incalculable.
A l'origine : la libération d'un nuage toxique (notamment le fameux gaz moutarde de la 1ère guerre mondiale) suite à l'explosion d'une cuve de 40 t d'isocyanate de méthyle ceci en bordure de la ville d'1 million d'habitants de Bhopal.
Aujourd'hui, des centaines de milliers de personnes vivent infirmes et environ 5 000 familles puisent une eau encore souillée pour vivre.
Union Carbide (UC) s'est volatilisée physiquement et financièrement après l'explosion et n'a jamais pris en charge le nettoyage du site, une situation inacceptable qui mobilise notament Greenpeace : Bhopal, la tragédie continue encore... 1984-2004
Seveso
Le 10 juillet 1976, une importante fuite de dioxine est détectée dans une usine fabricant des herbicides en Italie. Dans les jours qui suivent, des centaines d'animaux meurent et les enfants sont pris de graves nausées avant que les populations soient finalement évacuées.
Cette catastrophe a été nécessaire pour que la Communauté européenne prenne des mesures en identifiant les établissements dangereux comme des établissements "seveso" (raffineries, sites pétrochimiques, dépôts d'explosifs...).
D'autres catastrophes ont suivi et sont à prévoir...
En effet, en 2003 aux Etats-Unis, 32 000 émissions accidentelles de produits chimiques (dont ceux utilisés dans la production de pesticides) ont eu lieu (Worldwatch Institute, 2005). En France, un incendie a ravagé, lundi 27 juin 2005, un entrepôt de pesticides à Béziers contenant 1600 tonnes de pesticides !
Une tentation pour les terroristes
Selon une analyse du médecin général de l'armée américaine, dans le pire des scénarios, un attentat contre une usine chimique américaine pourrait causer la mort de plus de 2 millions de personnes. La production de pesticides qui s'appuie sur des composants fortement toxiques (c'est le but : tuer) est donc une opportunité pour des groupes terroristes comme en témoigne la tentative vaine à Ashod en Israël en 2004 de kamikazes. Ceux-ci ont en effet commis un attentat-suicide à proximité d'une usine d'emballage d'agrumes qui exploite un pesticide à base de bromure de méthyle. La rupture des réservoirs aurait entraîné la mort de milliers de personnes... (Worldwatch Institute, 2005).
Les solutions
Les OGM sont souvent avancés pour pallier l'utilisation massive de pesticides. Cependant, ils proviennent bien souvent des mêmes industries productrices de pesticides qui sont alors doublement gagnantes. En effet, les plantes transgéniques brevetées sont volontairement résistantes aux herbicides dont les ventes explosent. Ainsi, aujourd'hui, 71% des OGM cultivés sont dotés de gênes de résistance aux herbicides et 28% secrètent un insecticide comme le fameux maïs Bt. Les pays cultivant massivement des OGM en plein champs ont donc logiquement vu leur consommation de pesticides augmenter depuis l'introduction des OGM (cf les USA où la consommation a augmenté de 16% depuis 1996).
En Europe, le V ème programme d'action pour l'environnement de l'UE qui prévoyait dès 1993 une "réduction substantielle" de l'utilisation des pesticides" a avorté et les pollutions ne cessent d'augmenter... Cependant, quelques initiatives nationales donnent de bons résultats comme au Danemark, Pays-Bas, Suède et Norvège dont les volumes de pesticides ont diminué de façon très significative.
L'agriculture biologique est le seul mode de production où les résidus de pesticides sont quasi inexistants. D'autres modes de production comme la Production Intégrée réduisent fortement les quantités de pesticides utilisées sans les bannir totalement.
Notons également que les services municipaux en charge des espaces verts, la DDE et les régies de transports en commun notamment emploient massivement des pesticides pour l'entretien des différentes voies. Des efforts simples pourraient être faits en intégrant des méthodes de lutte biologique et en cessant de désherber systématiquement la moindre pousse verte.
Et les jardiniers ne sont pas contraints d'utiliser des pesticides.
En savoir plus
Références
-    Actualités sur les pesticides
-    F. VEILLERETTE ("Pesticides - Le piège se referme", 03/2003 et "Pesticides, révélations sur un scandale français" avec Fabrice Nicolino chez Fayard, 2007)
-    Site des Générations Futures sur les pesticides
-    Dossier de présentation sur les OGM
-    SMITH C., ROOT E. (1999), The export of pesticides : shipments from US ports 1995-1996, Int. J. Of Occup. Environ. Health 5
-    DEWAILLY E. et al, 2000, Susceptibility to infections and immune status in Inuit infant exposed to organochlorines, Environ. Health Perspect. 108
-    Pesticides : effets sur la santé, l'environnement et méthodes alternatives
-    Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (en anglais)
-    Convention de Rotterdam
-    L'état de la planète 2005 - Redéfinir la sécurité mondiale - WorldWatch Institute, collectif, 02/2005
-    Rapport d'information sur les pesticides présenté par Alain GEST - Assemblée Nationale
-    European Crop Protection Association
Auteurs
-    Christophe MAGDELAINE, responsable du site avec l'aimable collaboration de F. VEILLERETTE



Article écrit par roling le dimanche 4 novembre 2012 à 15:05

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