Des œufs à la cloque..

J’adore les pêchers, leur feuillage, leur floraison superbe, et leurs fruits bien sûr, les délicieuses pêches..
Un arbuste sympathique, venant bien en tous terrains et sans grands problèmes.
Sauf la maudite cloque.

Une affection cryptogamique provoquée par un ascomycète : le Taphrina deformans.
Peu grave, les années où le printemps est chaud et sec, même un peu venteux. Mais détestable, les autres années, quand un printemps froid et humide se prolonge et que, de surcroît, on a oublié d’aérer la ramure.
Quand les feuilles attaquées rougissent, cela peut donner, parfois, un curieux et délicieux spectacle, d’un rouge éclatant, mais qui épuise l’arbre.

Le pire, c’est que, quand le mal s’abat sur le verger, c’est trop tard. C’est avant qu’il aurait fallu traiter ce maudit champignon. Et pas avec n’importe quoi, la bouillie bordelaise reste quasi inopérante. Les sels de zinc font à peine mieux. Il y a bien quelques molécules* efficaces, mais elles ne sont accessibles qu’aux pros. Les défenseurs de la Planète (et des affections cryptogamiques réunis) en ont fait interdire la vente aux particuliers.
Bien sûr, on peut aller en Espagne, car nos voisins, après quarante ans de Franquisme, ne sont pas d’humeur à accepter sans broncher les oukases d’une dictature verte.

Dans les situations sans issues, il ne reste plus que le recours à la magie. Depuis une quinzaine d’années, un rituel, colporté par le web, a converti une bonne partie des néo-jardiniers. Il consiste à accrocher des coquilles d’œufs dans les branches, nouées dans un collant de dame.

    Ça marche ?

Les années où il n’y a de cloque nulle part, il n’y en a pas non plus dans les arbres aux collants. Les autres années, quand la cloque est partout, tout le monde morfle, les arbres nus comme les encoquillés. Les thuriféraires du culte de l’œuf ne désarment pas pour autant : » c’est sans doute que les œufs n’étaient pas bio, ou que le collant… »

D’esprit rétif au jardinage mystique, mais formé à la méthode expérimentale, j’ai donc procédé à des essais systématiques. Selon un protocole tatillon, comme il se doit.
Un arbre sur deux transformé en épouvantail, les autres tout nus. Des mêmes variétés, car certaines y sont très sensibles, et d’autres moins. Cela aurait pu perturber les résultats :
aucune différence.

Poussant plus loin mon expérimentation, j’ai même testé un changement de support : remplacer ces hideux collants par des bas de soie retenus par d’affriolants porte-jarretelles. C’est incontestablement beaucoup plus sexy, mais tout aussi inefficace.

Si vous ne pouvez vous procurer de la dodine (c’est le nom de la molécule), ou si vos croyances religieuses vous en interdisent l’utilisation, rassurez vous, il existe une solution.
Ne plus planter de ces variétés récentes, particulièrement sensibles à la cloque et sélectionnées exclusivement pour répondre au cahier des charges des centrales d’achat (calibre, coloration de l’épiderme, résistance au transport, précocité)… Et achetez, si vous en trouvez, de vieilles variétés qui étaient plus résistantes.

Mieux encore (mais cela exige d’avoir pas mal de terrain et de patience), semez des noyaux de fruits poussant sur des spontanés. Léveront alors des hybrides qui en tant que tels seront robustes et résistants. Certains marchands, faisant feu de tout bois, les appellent « pêches de vigne », comme s’il s’agissait d’une variété distincte. Ce n’est pas le cas. Ce ne sont que des francs de semis, (qu’autrefois, les viticulteurs plantaient en tête de raie, comme plante cobaye, indicatrice précoce de l’arrivée d’une poussée de blanc)..
Faites beaucoup de semis, car vous ne saurez pas à l’avance sur quel type de fruit vous tomberez :

– résistants ou non à la cloque,
– à noyau adhérent plus souvent que libre,
– de maturité plus tardive que précoce,
– parfois farineux, mais parfois juteux et délicieux,
– de calibre hétérogène.

Goûtez, sélectionnez ceux qui vous plaisent,  arrachez impitoyablement ceux qui ne vous conviennent pas. Et resemez les noyaux des fruits de ceux qui vous plaisent. Et ainsi de suite. Autant de fois que vous pourrez..
Le pêcher est un arbre qui passe vite à fruit. En douze ans, on arrive à faire quatre générations.
Ce qui suffit presque à isoler une lignée (ou plusieurs) d’arbres aux fruits conformes à vos goûts et assez résistants à la cloque.

Et cette sélection aura, en plus, ce mérite infini d’être LA VÔTRE.

Quant  à vos coquilles d’œufs, vous pourrez toujours vous en servir pour les incorporer dans le sol, au pied de plantes friandes en calcaire : les lavandes ou les thyms, par exemple, mais jamais sur Persica..

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